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Details

Transcription

Le Républicain lyrique - sous-titré Journal des chansonniers puis Journal des chanteurs, politique, comique et satirique, rédigé par nos meilleurs chansonniers - est un périodique qui parut de juillet 1848 à juillet 1849. Il avait la particularité d’être intégralement composé de chansons écrites par des auteurs qui participaient activement, sous la monarchie de Juillet, aux goguettes parisiennes : dès le numéro 2 sont mentionnés sous le titre, comme animateurs de cette feuille, les noms de l’ouvrier bijoutier et militant fouriériste Louis Festeau, du républicain radical Gustave Leroy, du saint-simonien et fabricant de mesures linéaires Louis Vinçard, du bohème Auguste Loynel, de l’acteur Victor Drappier, d’Alexis Dalès, de l’ouvrier imprimeur Louis Voitelain et du coupeur de corsets Charles Gille. Le journal est édité par la Librairie chansonnière de Louis-Charles Durand installée successivement rue Rambuteau puis rue des Gravilliers. Tiré à 10 000 exemplaires – un nombre important à cette époque – il propose des chansons écrites à la gloire de la république sociale qui pourront être reprises par des chanteurs ambulants et ainsi popularisées sur l’ensemble du territoire national. On y trouve de nombreuses chansons se réjouissant de l’avènement de la République, réclamant que cette dernière soit plus démocratique et sociale - « La République sociale » de V. Rabineau, « Le Droit au travail » d’A Porte, etc. -, s’inquiétant des évolutions des événements depuis la chute de la monarchie - « Les Restaurateurs de la République » et « La République en danger » de L. Festeau, etc. -, affirmant une confiance sans limite dans le peuple travailleur et une défiance toute aussi grande pour les bourgeois et les « républicains du lendemain », soutenant ouvertement les candidats de la Montagne lors des différentes élections - « Les députés montagnards de 1849 » et « Les élections républicaines de 1849 » de G. Leroy, etc. – appelant à la solidarité avec les différents soulèvements européens et soutenant la perspective d’une République universelle (une chanson d’A. Depierre porte ce titre) ou témoignant d’une forte sympathie pour les insurgés de juin 1848 (« Les orphelins de juin 1848 », « Les Martyrs de juin 1848 », « L’Amnistie » et « Aux déportés » d’A. Loynel, « La veuve de l’insurgé » de L. Festeau, « Pétition d’amnistie des femmes des transportés » d’H. Demanet, « Un condamné à sa femme » de Ch. Sailer, « Les Pontons », - « Que tu dois souffrir » et le « Chant des exilés » d’A. Dalès, « Les Tombeaux de juin » de Charles Gille). De nombreux titres sont également écrits pour affirmer l’engagement socialiste de ces chansonniers - « Profession de foi des socialistes » et « Rattier aux socialistes » de H. Demanet, « Chant socialiste » de A. Thiébault, « Proudhon » d’E. Baillet, « A Raspail » de L. Voitelain, etc. – ou d’une violente opposition à Louis-Napoléon Bonaparte - « Louis-Napoléon », de L. Voitelain, « Profession de foi », d’H. Demanet, « Les Trois chapeaux » de Ch. Gille, « Le vote de ma portière » d’H Demanet, etc. Tous les courants de la gauche républicaine et sociale trouvent leur place dans cette feuille écrite exclusivement par des chansonniers se réclamant du peuple travailleur. Pourtant Louis-Charles Durand qui publie ce journal est loin d’appartenir à ce courant. Très tôt il affirme, au contraire, des convictions bonapartistes que le coup d’État de 1851 n’ébranle pas. La maison Durand ne peut donc en aucun cas être considérée comme étant celle des Montagnards mais, en revanche elle est bien celle des goguettes, auxquelles Durand a participé, et dont la quasi-totalité des membres les plus connus appartiennent à l’opinion démocratique. Ces publications témoignent ainsi de l’existence d’un véritable groupe d’auteurs liés par des liens d’amitié et de solidarité. En 1863, l’enterrement de Durand, où le socialiste Louis Festeau prononce l’éloge funèbre, mobilise de nombreux chansonniers et chanteurs de rues de la capitale lors d’un rassemblement où les partis s’effacent derrière les affinités chansonnière. Aucun dignitaire de la gauche et de l’extrême gauche n’est d’ailleurs invité à écrire dans le Républicain lyrique. Si les goguettiers rédacteurs de cette revue ont tous des convictions politiques très affirmées, ils témoignent cependant d’une certaine diversité : le saint-simonien Vinçard côtoie le fouriériste Festeau, ou des républicains de différentes nuances comme Demanet, Gille ou Loynel. L’affirmation de la chanson contemporaine comme un art des travailleurs manuels des grandes villes, l’espérance, l’euphorie, suscitées dans ces milieux par l’instauration de la République, l’effervescence révolutionnaire qui règne alors dans les rues, sont autant de facteurs expliquant que la quasi-totalité des couplets politiques composés à ce moment se rattachent aux traditions de la gauche démocratique. Pour autant, l’initiative de leur création échappe au contrôle des animateurs de ce mouvement. Les groupes chansonniers sont suffisamment forts et implantés, ils utilisent des réseaux de diffusion efficaces, ils confectionnent des recueils dont ils assurent l’impression et la circulation, ils bénéficient de larges complicités auprès du public des rues : ils n’ont pas besoin de s’en remettre aux partis.

Translation

Le Républicain lyrique - subtitled Journal des chansonniers then Journal des chanteurs, politique, comique et satirique, written by some of our best ‘chansonniers’ - was a periodical that appeared from July 1848 to July 1849. It had the distinction of being entirely composed of songs written by authors who actively participated, during the July monarchy, in the Parisian goguettes. From its second number those mentioned under the title as responsible for the publication were the jeweler and militant Fourierist Louis Festeau, the radical republican Gustave Leroy, the Saint-Simonian and manufacturer of linear measurements Louis Vinçard, the bohemian Auguste Loynel, the actors Victor Drappier and Alexis Dalès, the printer/ worker Louis Voitelain and the cutter of corsets Charles Gille. The newspaper was edited by the Librairie chansonnière of Louis-Charles Durand installed successively in rue Rambuteau then rue des Gravilliers. It issued 10,000 copies - a significant number at that time. It contained songs written in praise of the socialist republic that could be taken up by itinerant singers and popularized throughout the nation’s territory. Many of the songs welcomed the advent of the Republic, claiming that it would be more democratic and social – such as "La République sociale" by V. Rabineau, "Le Droit au travail" by A Porte, etc. -, or were concerned about the developments since the fall of the monarchy - "Les Restaurateurs de la République" and "La République en danger" by L. Festeau, etc. -, or affirmed an unlimited confidence in the working people and an equally great mistrust for the bourgeois, as in the " républicains du lendemain "; or openly support the candidates of the Mountain during the various elections - " Les députés montagnards de 1849" ; while " Les élections républicaines de 1849"by G. Leroy, etc. - called for solidarity with the various European uprisings and supported the prospect of une République universelle (a song by A. Depierre bears this title). Many showed strong sympathy for the insurgents of June 1848 («Les orphelins de juin 1848», « Les Martyrs de juin 1848 », « L’Amnistie » the « Aux déportés »of A. Loynel, « La veuve de l’insurgé » of L. Festeau, the « Pétition d’amnistie des femmes des transportés » by H. Demanet, « Un condamné à sa femme » by Ch. Sailer, « Les Pontons », - « Que tu dois souffrir » et le « Chant des exilés » by A. Dalès, and « Les Tombeaux de juin » by Charles Gille). Many titles were also written to affirm the socialist commitment of these songwriters - Profession de foi des socialistes » and « Rattier aux socialistes » by H. Demanet, « Chant socialiste » by A. Thiébault, « Proudhon » by E. Baillet, « A Raspail » by L. Voitelain, etc. – or their violent opposition to Louis-Napoléon Bonaparte – as in « Louis-Napoléon », by L. Voitelain, « Profession de foi », by H. Demanet, « Les Trois chapeaux » by Ch. Gille, « Le vote de ma portière » by H Demanet, etc.

All the currents of the republican and social left found a place in this sheet which was written exclusively by chansonniers claiming to be working people. Yet Louis-Charles Durand who published this newspaper was far from belonging to this current. Indeed, early on, he proclaimed Bonapartist convictions that the coup d'etat of 1851 did not shake. The Durand house was therefore in no way a nest of the revolutionary Montagnards; nonetheless, Durand was the product of the goguettes, in which he among whom almost all of the best known members were supporters of democratic opinion. These publications thus testify to the existence of a veritable group of authors linked more by bonds of friendship and solidarity than by adherence to a particular ideology.

In 1863, the funeral of Durand, where the socialist Louis Festeau pronounced the eulogy, mobilized many chansonniers and singers on the streets of the capital for a rally where partisanship faded behind the participants ‘chanteur’ affinities. No dignitary of the left and the extreme left was invited to write in the Lyric Republican. If the scout writers for this review all had very strong political convictions, they nevertheless demonstrated a certain diversity: the Saint-Simonian Vinçard rubs shoulders with the Fourierist Festeau, or Republicans of different shades like Demanet, Gille or Loynel. The affirmation of contemporary song as an art of the manual workers of the big cities, the hope, the euphoria, aroused in these circles by the establishment of the Republic, the revolutionary effervescence which then reigned in the streets, were part of many factors explaining why almost all of the political verses composed at this time related to the traditions of the democratic left. However, the initiative for their creation escaped control by the leaders of this movement. The chansonniers groups were strong and established, they had effective distribution networks, they put together collections that they could ensure would be printed and circulated, and they benefited from broad complicity with the street public: they do not need to hand control over to the parties.