PD 6 Le_Bal_et_La_Guillotine__1849.jpeg
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Details

Transcription

Le 17 mars 1849, deux insurgés de juin 1848 – Henri Daix et Nicolas Lahr - sont guillotinés à Paris. Ils sont accusés d’être responsables de l’exécution, le 25 juin 1848, du général Bréa et du capitaine Mangin. La chanson qu’écrit Gustave Leroy (1818-1860) à cette occasion est construite sur le contraste établi entre la souffrance des exécutés et la joie futile d’un bal qui aurait été donné le même jour au palais de l’Élysée : le siège de la présidence de la République depuis l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte le 10 décembre 1848. D’un côté la toilette de la « fashion bourgeoise et militaire », de l’autre la dernière toilette de celui qui s’apprête à monter sur l’échafaud ; d’un côté des élégantes « calèches », de l’autre « l’ignoble charrette » ; d’un côté la musique de Strauss, de l’autre le sinistre grincement du couperet ; d’un côté des bouquets de fleurs lancés, de l’autre des têtes qui tombent. Le dernier couplet fait coïncider l’entrée de Louis-Napoléon dans la salle du bal avec la mort des condamnés, de telle manière que : « Le sang jaillit tout noir,/ Et vient tacher le front de Bonaparte./ A l’Élysée on dansera ce soir ». Cette chanson ne se contente donc pas de témoigner d’une sympathie pour les exécutés – et au-delà avec tous les insurgés des journées de juin 1848 – elle dénonce en terme très forts le président tout juste élu. Le point commun entre le bal est l’exécution est bien la personne du futur empereur des Français qui présidait le conseil des ministres ayant décidé l’exécution. Elle rappelle aussi, dès les premiers vers, que le 27 février 1848, le Gouvernement provisoire sorti des barricades de la révolution avait aboli la peine de mort en matière politique, présentant ainsi cette exécution comme une trahison supplémentaire des principes portés par le « Peuple roi » qui a rendu la République possible. Dans Choses vues, Victor Hugo écrit : « L’exécution des condamnés fut une faute. C’était l’échafaud qui reparaissait. Le peuple avait poussé du pied et jeté bas la guillotine, la bourgeoisie la relevait. Chose fatale. » Gustave Leroy est un goguettier célèbre qui a produit de nombreux titres témoignant de sa sympathie pour l’extrême gauche républicaine et de sa sensibilité aux questions sociales, Le Bal de la guillotine lui vaut une condamnation à 300 francs d’amende et à 6 mois de prison. Il faut dire que cette chanson, imprimé pour la première fois à 3 000 exemplaires en avril 1849, avait rencontré un succès certain. Dès juin 1849 elle est signalée comme une « ignoble chanson répandue à profusion dans le département du Jura » et les rapports des préfets et procureurs en font encore état après décembre 1851, par exemple en novembre 1852 à Maule ou en janvier 1853 à Épernay.

Translation

On March 17, 1849, two insurgents from June 1848 - Henri Daix and Nicolas Lahr - were guillotined in Paris. They were accused of being responsible for the execution, on June 25, 1848, of General Bréa and Captain Mangin. The song of this occasion, written by Gustave Leroy (1818-1860), was built on the contrast between the suffering of the executed and the futile joy of a ball to be given the same day at the Elysée Palace - the seat of the Presidency of the Republic since the election of Louis-Napoléon Bonaparte on December 10, 1848. On the one hand, the final grooming or toilette of "bourgeois and military fashionable society", on the other the last toilette of one about to ascend the scaffold; on one side, elegant "horse-drawn carriages", on the other "the wretched cart"; on one side, the music of Strauss, on the other the sinister creak of the cleaver; on one side, the bouquets of flowers thrown, on the other the falling of heads. The last verse brings together the entry of Louis-Napoleon into the ballroom and the death of the condemned, in such a way that: "The blood gushes out all black, / And comes to stain Bonaparte's forehead. / At the Élysée they will dance tonight. " This song was not content with showing sympathy for the executed - and also with all the insurgents of June 1848 - it also denounced the newly elected president in the strongest terms. The common point between the ball and the execution was indeed the future French emperor who had presided over the council of ministers who decided the execution. It also recalled, from the very first lines, that on February 27, 1848, the Provisional Government emerging from the barricades of the revolution had abolished the death penalty for political offences, thereby presenting the execution as an further betrayal of the principles of the "King's People" which had made the Republic possible. In Things Seen, Victor Hugo wrote: "The execution of the condemned was a fault. It resurrected the scaffold. The people had pushed with their feet and thrown down the guillotine, the bourgeoisie was raising it again. Fatal thing." Gustave Leroy was a famous spokesman who has produced numerous songs testifying to his sympathy for the republican far left and his sensitivity to social issues. ‘Le Bal de la guillotine’ earned him a fine of 300 francs and 6 months in prison. This song, printed for the first time in 3000 copies in April 1849, met with a considerable success. As early as June 1849 it was signaled as a "vile song spread profusely in the department of Jura" and the reports of the prefects and prosecutors continued to cite it after December 1851, for example in November 1852 in Maule or in January 1853 in Épernay.